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La mythique marque berlinoise revisite ses premiers moniteurs de studio, les KH 120, avec une version II qui fait entrer le numérique dans la boîte. Alerte spoiler : c’est très très bien, et mieux que ça encore !
Neumann Fan Club
On ne va pas s’en cacher, les enceintes Neumann sont accueillies chez nous avec un a priori plutôt positif. Les grandes sœurs KH 150 sont en bonne place dans notre classement des meilleures paires de moniteurs testées ces dernières années, et on est évidemment de grands admirateurs de la marque allemande pour ce qu’elle a produit en matière de microphones. Car, vous ne l’ignorez probablement pas, Neumann, c’est avant tout un constructeur de micros de légende, notamment la série U. Pour ce qui est des moniteurs de studio, c’est la série KH qui est développée par la marque depuis un peu plus de dix ans, en référence à Klein+Hummel, ancien fabricant d’enceintes intégré, tout comme Neumann, au groupe Sennheiser. La première version des KH 120 a fait partie en 2010 du lancement de cette série, et ce modèle est longtemps resté le seul de ce format, même s’il a été rejoint quatre ans plus tard par sa version D (équipé d’entrées numériques en AES ou S/Pdif). La marque a par la suite développé les tailles inférieures (KH 80) et supérieures (KH 150), qui ont ouvert les portes de cette série au DSP, puis à l’autocalibration. La nouvelle version des KH 120 dont il est question ici reprend donc ces nouveaux outils numériques que Neumann s’est appropriés entre-temps.
Un DSP en plus
La présence de DSP, donc de processeurs numériques intégrés aux enceintes, est désormais quasi généralisée dans le monde du monitoring, et rares sont les marques qui font l’impasse sur cet outil. La connexion avec un logiciel de contrôle à distance, et l’option de calibration des enceintes se font aussi de plus en plus fréquentes, et beaucoup de constructeurs ont suivi Adam sur ce terrain. Cela peut être un outil très puissant et utile, mais aussi un « cache misère » par moment, pour donner l’illusion que des moniteurs de moindre qualité peuvent proposer de très bonnes performances. On a eu l’occasion d’écouter des paires de moniteurs qui n’étaient vraiment pas équilibrées, et qui proposaient tellement d’options de réglages qu’on s’y perdait ; on leur préfère nettement d’autres modèles très simples et bien faits, qui ont leurs caractéristiques et qui s’y tiennent. Mais dans le cas de la série KH, notre expérience de calibration avec une paire de 150 avait été très concluante.
Pour revenir à nos moutons 120, ces petits moniteurs ont à peu près la même allure que la série d’origine, avec leurs angles arrondis, les haut-parleurs protégés par des grilles noires et le logo Neumann sur la gauche, qui s’allume avec élégance lorsqu’on les met en marche. Le haut-parleur médium de 5,25 » est situé au-dessus des évents du bass-reflex, et on retrouve le tweeter 1 » en haut, dans un large guide d’ondes. Légers (5,4 kg) et compacts (hauteur 287 mm, largeur 182, profondeur 227), les KH 120 2 peuvent être montés sur toute une gamme de stands et autres depuis le sol, le plafond, le mur ou un meuble : la gamme d’accessoires proposés par Neumann dans ce but (la série LH) est assez impressionnante. Sur le panneau arrière, on trouve les connectiques XLR pour l’entrée analogique et S/PDIF en numérique, ainsi que quelques options de réglages. De gauche à droite, on commence par trois filtres sous forme de commutateurs : les graves à 0, –2, –4 ou –6 dB, les bas médiums aux mêmes niveaux, et les aigus à +1, 0, –1 ou –2 dB. La bande de fréquence bas médiums correspond à ce qui est fréquemment appelé « desk » sur d’autres modèles, pour compenser une amplification de cette partie du spectre par une console ou un meuble. On trouve ensuite deux réglages de volume, un sélecteur pour le niveau de sortie qui nous laisse le choix entre 94, 100, 108, ou 114 dB SPL, puis un rotatif pour le niveau d’entrée qui peut être réglé entre –15 dB et 0 dB. Sur la droite on accède à un sélecteur d’entrée, pour opter soit pour l’entrée analogique XLR, soit en numérique pour un des deux canaux stéréo ou encore une sommation mono de ces deux canaux. Un autre commutateur Ground Lift permettra si besoin de déconnecter la masse, mais d’expérience, on en a très rarement l’usage. Enfin, dernier choix et pas des moindres, on peut régler le moniteur en « Local », ce qui signifie que tous les réglages précédents sont actifs, ou bien en « Network » et dans ce cas les réglages physiques sont désactivés et laissent place à ceux qu’on effectuera depuis le logiciel MA 1 proposé par Neumann. En effet, une connexion réseau en RJ45 est disponible, toujours depuis ce panneau arrière, pour connecter les deux enceintes à un ordinateur ou à un switch, et par-delà au logiciel de contrôle à distance. Pour compléter le tableau, précisons que les KH 120 II sont vendues autour de 1600 € la paire.
Analogie
On commence en toute simplicité, entrée analogique et tous les filtres à 0, on va faire connaissance avec ces moniteurs en écoutant certains de nos morceaux références, et découvrir les réglages petit à petit. La première impression est excellente : une image stéréo large et précise, l’écoute est très agréable et inspire vraiment confiance. On les compare aux deux paires de référence du studio, des Genelec 1030A sur lesquelles on mixe depuis des années, et des Adam A7X dans une gamme de prix plus modeste. Le premier réglage, qui s’avère fort utile, est celui du niveau de sortie qu’on va situer au plus bas, à 94 dB SPL, pour obtenir un volume cohérent avec les autres paires et leurs réglages habituels. Les KH 120 ne sont pas si loin de nos 1030 A dans la réponse en fréquences, même si on constate qu’elles sont moins agressives, avec des aigus plus contenus et des bas médiums un peu plus présents. On va tester quelques ajustements avec les commutateurs prévus à cet effet, en commençant par ajouter 1 dB aux fréquences aiguës.
Radiohead — 15 step
Ce dB qu’on vient d’ajouter éclaircit assez nettement le spectre, et la production rythmique riche en transitoires est magnifiquement restituée. On perçoit une profondeur très intéressante, les différents plans de l’arrangement sont bien dissociés. La voix est très belle et large, mais les bas médiums des guitares viennent un peu empiéter sur son espace. Rien d’étonnant à ce que cette bande de fréquences nous dérange peu, car les enceintes sont posées sur la console et il est recommandé d’enlever 2 dB ou même 4 dB dans cette configuration. Un réglage à –2 dB sur les bas médiums suffira de notre point de vue, et la balance tonale nous semble vraiment équilibrée comme ça. Les graves trouvent davantage leur espace, et les entrées et sorties de la basse retrouvent l’efficacité qu’on leur connaît.
Kendrick Lamar — Alright
Sur la même lancée, ce titre qu’on a écouté sur un grand nombre de paires de moniteurs sonne très bien, fidèle à lui-même, sur les KH 120. On se rend bien compte qu’il y a une petite limite tout en bas du spectre, mais c’est assez logique pour des enceintes si petites et un haut-parleur de 5 pouces. À nouveau, sur le plan de l’équilibre fréquentiel, la précision de la stéréo, la restitution des dynamiques et des transitoires, c’est vraiment très bien !
En distanciel
Il est temps d’essayer la combinaison de ces moniteurs avec le Monitor Alignment, le logiciel développé par Neumann pour contrôler le DSP à distance. On précisera tout de même que ce MA 1 et le micro de mesure qui va avec ne sont pas offerts par le constructeur avec la paire d’enceintes, il faudra les acheter en plus (279 € tout de même !) pour accéder au plein potentiel de ces KH 120 II. Cela dit, une célèbre boutique en ligne propose une offre jusqu’au 31 décembre 2023, qui va dans ce sens, et d’autres revendeurs proposent des packs plutôt avantageux.
On lance donc le MA 1, qui reconnaît rapidement les moniteurs connectés, et à l’aide du micro fourni avec, on effectue quelques mesures à différents endroits de la pièce autour du point d’écoute. Le logiciel nous guide tranquillement dans ce processus de calibration, une étape après l’autre, et en moins de quinze minutes, nous propose un graphique avec deux courbes : les fréquences mesurées et la correction proposée. On constate exactement ce qu’on avait perçu lors de nos écoutes : la mesure indique une bosse importante entre 150 Hz et 400 Hz, et une petite chute au-delà de 9 kHz. Ce qu’on avait moins bien observé et que ces mesures nous révèlent également : les graves entre 60 et 120 Hz manquent clairement, ainsi qu’une partie des médiums entre 500 Hz et 1 kHz. La calibration proposée par le MA 1 et envoyée au DSP des enceintes vient donc compenser ces différents excès et lacunes.
Massive Attack — Teardrop
Dans la fenêtre finale de l’alignement par le logiciel, on peut désactiver la correction pour en évaluer la pertinence. Sur cette écoute, le résultat est sans appel : en revenant à la balance tonale d’origine, on retrouve ces bas médiums envahissants, on manque un peu de clarté, et en effet la basse et le kick sont nettement moins présents, les fréquences graves sont déficientes. En activant l’alignement, on obtient vraiment un superbe équilibre, et les graves deviennent même assez impressionnants au vu de la taille des moniteurs. On n’avait pas le sentiment d’en avoir besoin à l’origine, mais maintenant que la correction est là, on la valide totalement.
En plus des corrections appliquées automatiquement, on a la possibilité d’adapter notre niveau de sortie, mais aussi d’appliquer à notre guise une égalisation en plus. Deux shelfs, un dans les graves et l’autre dans les aigus, ainsi que huit bandes de fréquences, l’ensemble complètement paramétrique, sont à notre disposition pour affiner la réponse en fréquences. Pour nous rapprocher un peu de nos Genelec qui restent plus agressives et ouvertes dans les aigus, on décide d’utiliser le shelf haut, et d’ajouter 2 dB au-delà de 10 kHz. C’est très efficace, au point qu’on va rapidement trouver cela excessif et revenir en arrière. En tout cas, ce Monitor Alignment est un outil très puissant et pertinent pour adapter les KH 120 à son espace ou à ses habitudes de travail.
Conclusion
On a une grande confiance en Neumann, et la marque allemande ne nous a pas déçus sur cette nouvelle version des KH 120. Ces moniteurs sonnent très bien de base, encore mieux lorsqu’on les corrige manuellement, et encore bien mieux lorsqu’on utilise la calibration automatique ! Que du bonheur. Un équilibre quasi parfait entre le savoir-faire de la marque dans l’analogique, et la puissance du DSP numérique.
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